J'aimerais diriger Gershwin! (1/2007)
J'aimerais diriger Porgy and Bess, mais Simon Rattle, à qui j'en ai parlé, me dit que je n'ai pas le bon passeport pour le faire...
Propos recueillis à Zurich par Jean-Louis Validire. Publié le 26 janvier 2007.
Le chef autrichien dirige, mardi à Pleyel, un oratorio rare de Mozart, La Betulia liberata, à la tête du Concentus Musicus.
Quelle place tient Mozart aujourd'hui dans votre vie? Abordez-vous cette musique d'une façon différente que lors de vos premiers enregistrements?
J'ai amassé une expérience. C'est comme un collectionneur qui trouve chaque année quelque chose de nouveau. Je n'ai pas joué La Flûte enchantée pendant presque vingt ans. Ce que j'avais fait alors reste toujours valable, mais la partition est si profonde qu'elle offre de nouvelles découvertes. Je m'intéresse au langage musical que je „parle“ peut-être plus facilement que dans le temps. J'ai dû apprendre cette langue car nous lisions bien sûr les notes, mais il est impossible d'écrire tout ce qui doit être joué. Les compositeurs après Schumann ont essayé d'écrire toutes les indications mais c'est une approche différente. Je comprends mieux aujourd'hui le sens des tonalités.
La querelle sur la pertinence des instruments, anciens ou modernes, à utiliser a-t-elle toujours un sens?
L'importance de l'utilisation des uns ou des autres est un peu surestimée. L'instrument ancien est un maître qui vous enseigne comment jouer. Mais lorsque vous avez compris, vous pouvez utiliser tous les instruments. Je joue les premières symphonies avec des orchestres utilisant des instruments anciens mais, à partir de la Symphonie „Linz“, je joue ou avec des instruments modernes ou avec le Concentus Musicus. Les grands orchestres, comme le Philharmonique de Vienne, de Berlin ou le Concertgebouw d'Amsterdam, ont un son et un style très spéciaux. Cette expertise musicale est d'une très grande valeur et ils doivent jouer Bach ou Mozart pour pouvoir jouer la littérature du XIXe et du XXe siècle. Ce serait une faute de leur retirer la possibilité de le faire. C'est malheureux qu'ils ne jouent pratiquement plus Haydn, dont se sont emparées des formations baroques.
C'est quand même un peu votre faute si on en est arrivé là...
Pas du tout! J'ai beaucoup dirigé Haydn avec le Philharmonique de Vienne. La révolution que j'ai conduite avec le Concentus Musicus, je peux en transmettre beaucoup aux orchestres modernes. Ce que nous avons découvert porte plus sur le style que sur le son. J'ai joué Bach avec la Philharmonique de Berlin parce que c'est bon pour eux et vous pouvez le faire sonner beaucoup mieux qu'à son habitude dans ce répertoire.
Lorsque vous dirigez les opéras de Mozart, vous travaillez souvent avec des metteurs en scène qui ont des approches très modernes du livret. N'est-ce pas une contradiction avec votre souci de recherche de style original de la musique?
C'est la seule façon de le faire. L'alternative serait de rechercher exactement la manière dont l'opéra était représenté du temps de Mozart. C'est très facile à faire. Il y a de nombreuses descriptions portant sur les détails les plus infimes. On pourrait très bien faire une représentation à l'identique. Mais ce serait une oeuvre de musée! Je pense qu'un petit nombre de grands artistes ont produit des oeuvres qui dépassent leur siècle. Mozart est, à l'instar de Michel Ange, Shakespeare ou le Bernin, l'un de ceux-là. Aussi longtemps qu'il y aura des hommes, ils auront quelque chose à leur dire. Le problème que je me pose est de savoir ce que Mozart a à dire et comment le transmettre au public d'aujourd'hui. Musicalement, la meilleure méthode, c'est la rhétorique et les instruments anciens. Scéniquement, il faut adapter. Dans tous ses grands opéras, il y a une vérité qui transcende le temps. Il faut donc trouver les moyens de la transmettre.
Pourquoi jouez-vous de plus en plus de musique moderne?
Mes biographes me trahissent. Je n'ai jamais été un spécialiste. Lorsque je travaillais la musique médiévale j'étais en même temps intéressé par Hindemith, Stravinsky et toujours par Bartok. Tant que j'ai joué au violoncelle, j'ai continué à jouer toute la littérature consacrée à l'instrument. En 1960, j'étais déjà persuadé que je jouerais Schubert, Dvorak ou Janacek.
Avez-vous des regrets?
Je n'ai jamais dirigé le Concerto pour violoncelle de Dvorak parce que je n'ai jamais trouvé le violoncelliste. Tous le jouent et m'envoient des enregistrements. J'aime aussi beaucoup le jazz des années 1920 et Gershwin. J'aimerais diriger Porgy and Bess, mais Simon Rattle, à qui j'en ai parlé, me dit que je n'ai pas le bon passeport pour le faire...
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